Louise et Gérard, citoyens moyens ordinaires de province, ont décidé de recevoir à diner un couple d'amis tout aussi traditionnel. Nous sommes début mai, décor ni rose, ni désenchanté. L'adéquation des circonstances n'inspire pas d'inquiétudes particulières. Malgré des sautes d'humeur fréquentes, Gérard paraît apaisé et disposé à accueillir ses relations dans les meilleures conditions.
Le samedi venu, en cours de matinée, Louise propose un menu pour le repas du soir. Un léger désaccord apparaît au sujet du plat principal. Gérard penche davantage pour une viande rouge, alors que Louise s’accommoderait d'un appétissant poulet rôti à point. Certes, les avis diverges, mais madame minimise la situation. L'affaire est tranchée vers midi, la volaille prend son envol (c'est une image). Monsieur s'efface derrière la décision tout en gardant secrètement en lui un sentiment de frustration...
Christine et Jean arrivent au domicile aux alentours de 18 h 30. Passé les politesses, les quatre personnes se dirigent vers le salon afin d'y déguster un quelconque apéritif. Les échanges sont chaleureux, les retrouvailles sincères et prometteuses. Vers 20 h 00, Louise suggère aux convives de rejoindre la salle à manger. La table soigneusement dressée attise l'envie et l'appétit. C'est à ce moment précis que le visage de Gérard s'assombrit, comme habité par l'angoisse, un mal être inexplicable. Qu'a-t-il pu le contrarier dans la conversation ? Voit-il rouge ? À l'instar du filet de bœuf qui lui échappe ce soir... Ça sentirait plutôt le pâté, non ?
D'un pas ferme et déterminé, il quitte les autres pour s'orienter vers le garage. Il en reviendra la rallonge de la baladeuse à la main. Désormais, Gérard ne se souciera plus de ce qui l'entoure, il est enfermé dans son monde. Il est le seul à connaître la suite programmée ou non des prochaines péripéties.
Stupeurs et tremblements au programme ! Très nerveusement mais néanmoins avec méthode, l'homme branche le couteau électrique à la rallonge également électrique. Dans une atmosphère pour le moins électrique, ce sauvage ouvre un à un les tiroirs du congélateur pour en extirper des blocs de viande, des poissons entiers, des gros pains non coupés, des poireaux, d’énormes carottes, un concombre et une courgette. Il ne va pas bien le gars ! On ne cuisine pas des produits durs comme la pierre, comme son cœur de pierre... Soudain, il se met à découper grossièrement sur le plan de cuisine la nourriture gelée pour la balancer en l'air d'un geste maladroit. Les morceaux parviennent miraculeusement jusque dans les assiettes qu'ils cassent. Louise, Christine et Jean terrorisés mais incapables d'agir sursautent à l'arrivée des missiles. Une demi-courgette parvient dans la gueule à Jean ! Louise fait alors preuve de sang froid (la situation s'y prête... Je vous laisse réfléchir...). Elle appelle la police de son portable pour évoquer la boucherie de chambre froide qui s'opère à la maison. Le spectacle prend cinq bonnes minutes, le temps que les forces de l'ordre arrivent et constatent le froid et l'effroi.
Gérard sera finalement embarqué sans résistance (électrique) et placé en hôpital psychiatrique où il demeure toujours. Gérard n'a jamais recouvré ses esprits. Quant à son épouse, elle a revendu le réfrigérateur-congélateur pour un simple réfrigérateur. Elle ne veut plus entendre parler de produits surgelés.
L'ironie du sort dans cette histoire, c'est qu'il était prévu en toute fin de soirée de regarder à la télé « Massacre à la tronçonneuse », version originale de 1974.
moijedis, le 09 juillet 2018.