Boris Vian - moijedis

Le déserteur

par Boris Vian

Monsieur le Président

Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps

Je viens de recevoir

Mes papiers militaires

Pour partir à la guerre

Avant mercredi soir

Monsieur le Président

Je ne veux pas la faire

Je ne suis pas sur terre

Pour tuer des pauvres gens

C'est pas pour vous fâcher

Il faut que je vous dise

Ma décision est prise

Je m'en vais déserter

Depuis que je suis né

J'ai vu mourir mon père

J'ai vu partir mes frères

Et pleurer mes enfants

Ma mère a tant souffert

Elle est dedans sa tombe

Et se moque des bombes

Et se moque des vers

Quand j'étais prisonnier

On m'a volé ma femme

On m'a volé mon âme

Et tout mon cher passé

Demain de bon matin

Je fermerai ma porte

Au nez des années mortes

J'irai sur les chemins

Je mendierai ma vie

Sur les routes de France

De Bretagne en Provence

Et je dirai aux gens:

Refusez d'obéir

Refusez de la faire

N'allez pas à la guerre

Refusez de partir

S'il faut donner son sang

Allez donner le vôtre

Vous êtes bon apôtre

Monsieur le Président

Si vous me poursuivez

Prévenez vos gendarmes

Que je n'aurai pas d'armes

Et qu'ils pourront tirer

Nota:

La version initiale des 2 derniers vers était:

"que je tiendrai une arme ,

et que je sais tirer ..."

Boris Vian a accepté la modification de son ami Mouloudji
pour conserver le côté pacifiste de la chanson !

Le repreneur

par

moijedis

Monsieur le Président

Vous lirez dans le monde

Ou au travers les ondes

Si vous avez le temps

Je viens d'apercevoir

Que de hauts fonctionnaires

Malgré des appels de derrière

Me suggèrent d'y croire

Monsieur le Président

Je ne veux pas la guerre

Je ne suis pas sur terre

Pour devenir un tyran

C'est pas pour vous fâcher

Il faut que je vous dise

Ma décision est prise

Je vais me présenter

Depuis que je suis né

J'ai découvert l'enfer

La politique amère

Et pleurer des innocents

J'ai remis pieds sur terre

Je ne suis plus une ombre

Suis sorti de la tombe

Levé le rideau de fer

Quand j'étais condamné

On a sali mon âme

On a dit mots infâmes

Sur tout mon cher passé

Depuis quelques matins

Une pulsion me porte

Mes envies sont plus fortes

J'irai sur les chemins

Je redonnerai un prix

A ce pays de France

De Bretagne en Provence

Et je dirai aux gens :

Refusez de le réélire

Refusez de vous taire

N'allez pas au cimetière

Refuser de mourir...

S'il faut donner son sang

Alors donnez le votre

Vous le petit apôtre

Monsieur le Président

Et si vous me défiez

Choisissez bien les armes

Je ne verserai pas de larmes

Si c'est vous qui tombez